Psychologie des foules

Psychologie des foules

La folie se rencontre rarement chez les individus, mais dans les groupes, les partis, les nations, elles est la règle.” – Nietzsche.

Le comportement de la foule est-il égal à la somme des comportements des individus qui la composent ?

A cette question, Gustave Le Bon répond par la négative. Selon ce scientifique, la foule ne se réduit pas à l’ensemble de ses éléments. La foule est autre chose; quelque chose de plus.

La foule : Une nouvelle unité mentale

Pour le dire de façon imagée, une foule constituée d’un millier de têtes ne se comporte pas comme un millier de corps indépendants; elle se comporte comme une tête avec un millier de corps. La foule devient ainsi une nouvelle unité mentale.

Il en résulte que la psychologie du groupe ne s’explique pas par la somme des psychologies individuelles. Une autre science est nécessaire : la psychologie collective ou la psychologie des foules.

Une nouvelle ère commence : L’ère des foules

Gustave Le Bon écrivait, à l’approche du 20ème siècle, qu’une nouvelle ère était sur le point de commencer à cause de deux facteurs principaux :

  1. La disparition des anciennes croyances (religieuses, politiques et sociales);

  2. La création de nouvelles conditions d’existence (et donc de pensées nouvelles).

Cette nouvelle ère c’est l’ère des foules. En conséquence, le pouvoir moderne réside dans l’art de manipuler les foules.

Psychologie des foules

L’élément constituant de la foule, l’“individu en foule”, se comporte différemment de l’individu isolé. Qu’est-ce qui explique ces différences de comportement ? Pour l’anthropologue, il y a deux raisons principales :

  1. La force du nombre : L’individu en foule acquiert un sentiment d’invincibilité grâce à la protection du nombre. De plus, comme la foule est anonyme, il développe un sentiment d’irresponsabilité. Cela fait qu’il fera plus souvent des actions qu’il n’aurait pas osé faire autrement.

  2. La contagion : Lorsqu’un individu est dans la foule, il est comme hypnotisé par le groupe. Il n’a plus vraiment conscience de ses actes. Tout sentiment fort, tout acte violent devient rapidement contagieux. De plus, les suggestions s’exagèrent en se renforçant mutuellement (modèle de l’effet boule de neige).

L’impact du nombre est aisé à comprendre : plus il sera grand et plus il jouera son rôle de protection par la puissance. Pour préciser le modèle mental de la décision dans les foules, analysons le second facteur plus en détail : l’ancrage des idées.

Comment s’établissent les idées dans la foule ?

Le premier point important est que les nouvelles idées prennent du temps pour s’établir dans une foule car l’esprit de la foule est conservateur. Mais une fois qu’une nouvelle idée s’y est implantée, son potentiel peut être dévastateur. Toutes les révolutions ont commencé par des nouvelles idées au service d’un changement de situation.

Le second point réside dans la simplicité des idées. Les foules fonctionnent avec des idées-images qui doivent être très simples.

Quelles que soient les idées suggérées aux foules, elles ne peuvent devenir dominantes qu’à la condition de revêtir une forme très absolue et très simple. Elles se présentent alors sous l’aspect d’images, et ne sont accessibles aux masses que sous cette forme.” – Gustave Le Bon.

Pour gouverner les foules, il faut impressionner leur imagination en leur présentant une image forte, comme un miracle, une grande promesse ou une grande victoire. Les convictions des foules peuvent être assimilées à un sentiment religieux : soumission à un dogme indiscutable, désir de le répandre, établissement d’une frontière entre le sacré (ceux du groupe) et le profane (ceux qui refusent le dogme), etc.

Pour Gustave Le Bon, les nouvelles idées – les croyances – des foules se préparent bien en amont et sont le résultat de deux types de facteurs : les facteurs profonds (structurels) et les facteurs immédiats (conjoncturels).

1/ Liste des facteurs profonds

1.1 Les facteurs naturels (génétiques);

1.2 Les traditions : les idées, les besoins, les sentiments du passé qui sont conservés dans le présent. Les foules sont très attachées aux traditions;

1.3 Le temps : les idées prennent du temps pour s’implanter dans les têtes et dans les cœurs; elles prennent également du temps pour en sortir;

1.4 Les institutions politiques et sociales : elles sont plus la conséquence des idées que leur cause;

1.5 L’instruction et l’éducation : c’est grâce à elles que s’améliore ou se détériore l’âme des foules. “Le caractère d’un peuple, et non leur gouvernement, conduit leur destiné”.

2/ Liste des facteurs immédiats

2.1 Les images, les mots et les formules : celui qui manie les images possède la puissance d’un magicien;

2.2 Les illusions : la foule ne recherche pas la vérité; elle veut être séduite. Une erreur séduisante a plus de pouvoir que la vérité;

2.3 L’expérience : elle peut imposer une vérité ou détruire une illusion qui n’a pas résisté aux faits;

2.4 La raison : les foules ne sont pas influençables par des raisonnements. “Les foules ont des opinions imposées, jamais des opinions raisonnées”.

3/ Comment les meneurs de foules manipulent les facteurs immédiats

Ce n’est pas le besoin de liberté, mais celui de servitude qui domine toujours dans l’âme des foules. Elles ont une telle soif d’obéir qu’elles se soumettent d’instinct à qui se déclare leur maître.” – Gustave Le Bon.

3.1 L’affirmation + la répétition + la contagion : L’affirmation de l’idée doit être aussi simple et courte qu’un dogme (pour pouvoir être retenue). Pour qu’elle soit efficace, elle doit être répétée souvent et dans des termes identiques (pour finir par pénétrer l’inconscient). Alors, un courant d’opinion se formera et la croyance se répandra (cf. la technique des éléments de langage utilisée en communication politique);

3.2 Le prestige : Quand une idée est suffisamment répétée, elle finit par acquérir du prestige. Et si l’idée est nouvelle, la stratégie consistera à lui donner du prestige pour accélérer sa diffusion par des personnes en quête de prestige (proposer un jeu du statut). Comme dit le dicton : le messager est infecté par le message.

En conclusion, le livre Psychologie des foules est un petit traité de sciences politiques particulièrement utile pour comprendre comment sont manipulées (et comment manipuler) les foules. La pensée de Machiavel est revisitée pour être adaptée à notre société de masse. Aujourd’hui, Le Prince c’est celui qui contrôle la foule – ou plus précisément une tribu.

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NB. : Les marchés financiers peuvent être considérés comme une foule organisée selon les flux d’information reçus. Aussi, le livre Psychologie des foules permet également de comprendre comment fonctionnent les bulles financières. Il s’agit d’une phase d’exubérance émotionnelle ascendante (FOMO) suivie par une phase exagérément descendante (FUD).

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