Thinking in bets : Comment prendre les meilleures décisions lorsque l’on a pas toutes les informations

Thinking in bets – Raisonner avec des paris : Prendre des meilleures décisions lorsque vous n’avez pas tous les faits

Mieux vaut avoir approximativement raison qu’avoir précisément tort.” – Warren Buffet.

Les meilleures décisions peuvent amener aux pires résultats.

Cela peut sembler paradoxal. Mais, sur le court terme, il y a souvent une part de chance que l’on ne contrôle pas et qui peut déconnecter le résultat de la décision.

Pourtant, la majorité des gens fait encore la confusion en assimilant la qualité d’un résultat ponctuel à celle de la décision. Ils ne peuvent donc pas apprendre de leurs erreurs puisqu’ils ne les identifient pas.

Dans “Thinking in bets“, Annie Duke, une championne du monde de poker, donne des techniques pour prendre les meilleurs décisions possibles lorsque l’on a pas toutes les données. Elle s’inspire de l’univers du poker. Le poker est à l’image de la vie puisqu’il s’agit d’un jeu à information incomplète dans lequel on doit prendre des décisions en situation d’incertitude. Elle invite donc le lecteur à utiliser les techniques des meilleurs joueurs de poker. C’est-à-dire à raisonner avec des paris.

Utiliser les techniques des paris (raisonner avec des pourcentages) permet d’accepter et de mieux gérer l’incertitude de la vie. Cela permet également de prendre une distance critique vis-à-vis de ses opinions et donc d’être plus ouvert aux autres.

Dans cet article, vous découvrirez l’importance d’adopter un mindset de l’incertitude. Et vous verrez comment prendre de meilleures décisions en apprenant à distinguer la chance de la compétence lorsque vous analyserez vos résultats quotidiens (les succès comme les échecs).

Les décisions sont des paris

“On ne gagne pas des paris en étant amoureux de ses idées. On gagne des paris en calibrant ses croyances et prédictions pour qu’elles s’ajustent au monde réel.” – Annie Duke.

En général, les paris sont associés aux jeux de hasard (casino, loterie, tiercé, etc.) et ils ont donc une mauvaise réputation. Pourtant, parier signifie : “prendre une décision basée sur la croyance que quelque chose va se produire”.

Avec cette définition plus large du pari, toutes les décisions peuvent être assimilées à des paris. Et, en tant que telles, elles sont caractérisées par :

  • Le choix : prendre ou pas la décision (notez que ne pas prendre de décision est en soi une décision).

  • La probabilité : quelles sont les chances pour que se produise ce que vous croyez ? Quelles sont les chances pour que votre opinion soit vraie ? Associer une probabilité à votre opinion vous permet de la considérer comme une possibilité parmi d’autres (et non pas comme une certitude). L’objectif du parieur efficace est de se baser sur les hypothèses les plus probables (et non pas sur les croyances qui l’arrangent) pour prendre la meilleure décision possible.

  • Le risque : quel est l’enjeu ? Quels sont les gains et les pertes ? Lorsque vous prenez une décision plutôt qu’une autre sur un choix de vie, vous pariez contre toutes les autres futures versions de vous-même que vous ne choisissez pas. L’enjeu est donc potentiellement énorme.

La formation des opinions

Est-ce que vous savez comment se calcule l’âge d’un chien en années humaines ? Il y a quelques années, comme beaucoup d’autres personnes, je croyais qu’il fallait multiplier l’âge du chien par sept. Mais j’ai appris par la suite que cette croyance populaire était fausse.

Comme la croyance sur l’âge du chien, Annie Duke nous rappelle que de nombreuses autres croyances prennent forme en nous simplement parce que nous les entendons souvent. Le fonctionnement par défaut du cerveau est en effet de croire ce qu’il entend.

Croire d’abord puis éventuellement douter ensuite est une ligne de conduite inscrite dans notre ADN, car elle favorisait la survie. A l’ère des chasseurs-cueilleurs, il valait mieux prendre le risque de courir pour rien si l’on croyait reconnaître le bruit d’un prédateur, plutôt que de prendre le risque de ne pas courir et que ce soit effectivement un prédateur.

A ce biais de toujours croire la première affirmation que nous entendons sur un sujet s’ajoute un second biais : celui d’avoir du mal à actualiser ses connaissances sur la base de nouvelles informations.

Tout le monde se considère ouvert d’esprit et capable de changer d’avis en fonction des faits. Pourtant, les recherches montrent qu’en général les gens ne changent pas leurs opinions en présence de faits contradictoires. Ils auront plutôt tendance à changer leur interprétation des nouvelles informations pour que celles-ci concordent avec leurs croyances.

En résumé, nous prenons des décisions en nous basant sur nos croyances. Pourtant, nous n’évaluons pas ces croyances arbitraires (car liées à notre environnement) avant de les intégrer. De plus, nous les remettons difficilement en cause. Alors, comment faire pour contrer cette situation et prendre de meilleures décisions ?

Tu paries ?

Imaginez, vous discutez avec un ami à propos de la série Breaking Bad. A un moment, vous parlez des différents prix remportés par la série et, sûr de vous, vous affirmez : “je sais qu’ils ont obtenu le Golden Globe de la meilleure série TV”.

Votre ami vous répond : “Tu paries ?”

Soudain, vous n’êtes plus aussi certain de vous. Votre avis vous semble fragile. Vous vous posez plein de questions : pourquoi veut-il parier ? Il a l’air d’être sûr de lui. Est-ce qu’il sait quelque chose que j’ignore ? Où ai-je récupéré cette information déjà ? Vient-elle d’une source fiable ? Est-ce que je ne confonds pas avec une autre série ?

Bref, vous analysez votre croyance pour déterminer à quel point elle est fiable avant de vous engager (ou pas) dans le pari.

Tout ce processus mental de vérification provoqué par le “tu paries ?” nous rappelle que nos opinions sont des choses sur lesquelles nous ne réfléchissons pas. Ce sont des travaux en cours. Lorsqu’une situation les rend engageantes, il devient nécessaire de les inspecter de façon objective pour les rendre le plus juste possible (plutôt que de les défendre par principe).

L’auteure de “Thinking in bets” propose donc de s’entraîner à voir le monde en se demandant “tu paries ?” pour challenger ses opinions. Développer ce mindset de l’incertitude vous permettra de voir qu’il y a quasiment toujours une part d’aléatoire et de réaliser que vous êtes en général moins sûr de vous que ce que vous pensiez au premier abord.

De plus, en exprimant un niveau de confiance (“je pense qu’il y a 80% de chance pour qu’un vaccin au COVID-19 apparaisse dans le courant de l’année prochaine”) plutôt qu’une certitude, vous ouvrez la porte aux autres pour qu’ils vous donnent également leur avis sans craindre de vous froisser. Une situation gagnant-gagnant pour tous.

Analyser le feedback : Distinguer la chance de la compétence

Un autre biais très répandu nuit à la qualité des décisions car il empêche d’apprendre de ses erreurs : le biais d’autocomplaisance. Il désigne notre tendance psychologique à attribuer la cause de nos réussites à nos compétences et celle de nos échecs au hasard (des choses indépendantes de notre volonté).

Considérez par exemple le cas des accidents de voitures. Dans 75% des cas, les victimes imputent la responsabilité à quelqu’un d’autre. Dans les accidents impliquant plusieurs véhicules, ce chiffre passe à 91% ! Et dans les accidents impliquant un seul véhicule, 37% des conducteurs trouvent encore le moyen d’accuser quelqu’un d’autre.

Une illusion persistante

Laquelle des lignes ci-dessous est la plus grande ?

L’illusion de Muller-Lyer

Notre cerveau nous envoie le signal que la deuxième ligne est la plus grande. Pourtant, ces lignes ont toutes la même taille. Mais, même en le sachant, nous avons du mal à échapper à cette illusion.

Le biais d’auto-complaisance fonctionne comme une illusion d’optique qui a pour fonction de nous aider à maintenir une image positive de nous. Même en étant conscient, cela reste difficile d’y échapper. En témoigne cette citation du célèbre joueur de poker Phil Hellmuth : “s’il n’y avait aucune part de chance, je pense que je battrais tout le monde“.

S’il est difficile d’apprendre de son expérience, il reste la possibilité d’apprendre de l’expérience des autres. Peut-être est-il plus facile de distinguer le talent de la chance lorsqu’il s’agit des autres ?

En fait, non. Dans ce cas, le biais d’auto-complaisance fonctionne de façon inversée : nous aurons tendance à supposer que leurs bons résultats proviennent de leur chance et qu’ils sont responsables de leurs mauvais résultats.

Redéfinir son habitude

Phil Ivey est l’un des meilleurs joueurs de poker au monde. Contrairement à Phil Hellmuth, Ivey fait partie de ces personnes qui admettent facilement quand elles auraient pu mieux faire.

Phil Ivey

En 2004, Ivey a gagné pratiquement un million de dollars en remportant un tournoi de poker de haut niveau. Après sa victoire, il est allé au restaurant avec des amis. Là où un autre aurait raconté à quel point il a bien joué et aurait voulu étaler son talent, Ivey a préféré demander des conseils à des joueurs meilleurs que lui. Il a voulu analyser toutes les mains jouées, y compris celles qu’il avait gagnées pour voir s’il aurait pu prendre de meilleures décisions. Il s’agit d’une habitude qu’il réalise après chacun de ses tournois (indépendamment du résultat).

Les habitudes fonctionnent selon une boucle neuronale composée de trois parties : le signal, la routine et la récompense. Dans les situations courantes de la vie, le signal c’est le bon résultat obtenu. La routine : en prendre crédit. Et la récompense : booster son ego. Les victoires font du bien donc rares sont ceux qui ont envie de s’interroger dessus pour savoir si c’est durable ou s’il s’agissait d’un coup de chance.

En effet, selon les neurologues, le cerveau est conçu pour fournir des actualisations positives de l’image que l’on a de soi. Il nous fait également nous comparer sans cesse à nos pairs. Et les victoires nous envoient un signal positif. Il est donc très difficile de vouloir changer la récompense.

Par contre, pour changer cette habitude, vous pouvez conserver l’ancien signal (le bon résultat) et la récompense (le boost de moral) mais insérer entre les deux une nouvelle routine : la quête de vérité.

De la recherche de crédit à la quête de vérité

Les experts comme Phil Ivey ont remplacé l’instinct de recherche de crédit et d’évitement du blâme (la routine humaine par défaut) par la quête de vérité sur leurs décisions.

Changer cette routine de petite vantardise innocente par un processus d’autocritique est difficile et demande du travail. Cela passe par accorder plus de crédit à ses pairs et être plus ouvert pour reconnaître ses erreurs (ne pas prendre la critique comme une attaque personnelle mais comme une occasion de progresser). Pour faciliter ce processus, Annie Duke recommande d’intégrer un groupe en privilégiant ceux (les rares) qui établissent des normes pour favoriser la recherche critique de vérité plutôt que la congratulation collective ou le conformisme.

Cela peut sembler paradoxal mais développer cette habitude vous fera vous sentir bien. Pourquoi ? Parce que vous ferez quelque chose d’inhabituel et de dur, quelque chose que la plupart des autres ne font pas. Parce que cette habitude vous fera spécifiquement prendre de meilleures décisions et, plus généralement, tout simplement progresser.

Le mot de la fin sur “Thinking in Bets

Notre besoin primaire est de fonctionner avec des certitudes. Mais le monde comporte une grande part d’incertitude qu’il faut apprendre à accepter et à gérer. Il faut donc passer d’un mindset de la certitude à un mindset de l’incertitude pour s’adapter à un monde mouvant en étant moins attaché à des opinions potentiellement limitantes.

La stratégie pour opérer ce changement de mindset est de raisonner avec des éventualités (des paris). C’est ainsi que procèdent les experts de l’aléatoire (notamment l’élite des investisseurs et les meilleurs joueurs de poker du monde). Comme disent les professionnels de l’aléatoire : “Mieux vaut avoir approximativement raison qu’avoir précisément tort”[1]. Ils savent que ce qui fait une bonne décision ce n’est pas le résultat ponctuel mais le processus (le bon modèle mental).

Conclusion : investissez sur le processus (sell le résultat, buy le process). C’est le principe clef du mindset “Thinking in bets”.

Une petite question pour vous : demandez-vous quelle a été votre meilleure décision de l’année ? Vous venez probablement de penser à une décision qui a donné un résultat positif. Mais avez-vous alors véritablement pris une bonne décision ou avez-vous simplement eu de la chance ? Faites le même exercice pour votre pire expérience de l’année.

Pour améliorer vos résultats, une seule règle : focus sur le processus

Pour aller plus loin, lire le livre Thinking in bets” (Annie Duke, une ancienne joueuse professionnelle de poker reconvertie en spécialiste des sciences de la décision). Mon avis : j’ai beaucoup apprécié cette lecture.

[1]Pour prendre les meilleurs décisions possibles lorsqu’ils n’ont pas toutes les données, les investisseurs raisonnent avec des ranges (fourchettes) de prix et les joueurs de poker en ranges de main.

PS : vous pouvez également regarder le modèle probabiliste qui consiste à approcher les décisions comme des paris et à se baser sur les techniques des probabilités pour faire les meilleurs paris possibles. Les joueurs de poker parlent de prendre des décisions EV+ (c’est-à-dire à espérance positive de gain sur le long terme).

PPS : Regardez les quatre dangereux types de succès qui plantent les graines de la destruction.

Pour copier et partager :https://mikaelecanvil.com/thinking-in-bets/

 

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1 comment

  1. Les gens preferent communiquer avec des personnes qui pensent et agissent de la meme maniere qu’eux. A premiere vue, cela ne semble pas etre une mauvaise facon de passer la soiree. Cependant, cette pratique s’avere devastatrice si vous etes sur le point de prendre une decision importante.

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