La décentralisation par la blockchain : Jusqu’où peut-elle aller ?

La décentralisation : quelle part de marché ?

La décentralisation est une forme d’organisation.

Pour comprendre sa future place dans l’économie, il faut déjà commencer par comprendre les principales formes d’organisation qui sont actuellement en place.

Une organisation vise à regrouper des personnes pour obtenir un résultat. Pour parvenir à ses fins, elle doit motiver et coordonner. Selon le résultat visé, il lui faudra plus ou moins de coordination et plus ou moins de motivation.

Aussi, un modèle simple qui est généralement utilisé pour expliquer le fonctionnement d’une organisation est celui de la coordination et de la motivation. La motivation est l’énergie initiale qui doit être déployée (le moteur de l’action). La coordination est l’agencement de cette énergie (le séquençage de l’action).

Passons en revue les différentes formes d’organisation selon le modèle coordination * motivation.

# 1 : L’Etat

Le système de coordination de l’Etat passe par le contrôle et la planification. Vous pouvez ici songer à l’utilisation des appels d’offres publics qui doivent respecter un cahier des charges et des spécifications plus ou moins strictes.

Le système de motivation de l’Etat passe par les incitations positives ou négatives. Pour les incitations positives, vous pouvez penser aux politiques fiscales qui cherchent à orienter certains comportements économiques. Et pour les incitations négatives, vous pouvez penser à la menace de la prison pour ceux qui ne respectent pas la loi.

# 2 : Le marché

Le mécanisme de coordination du marché s’effectue par le système des prix. Si le prix est plus haut que le coût de la production, un entrepreneur va vendre le bien. Si le prix est plus bas, quelqu’un achètera.

Le facteur de motivation du marché est l’intérêt personnel. Les gens agissent pour faire un profit (monétaire, symbolique ou social).

Ces deux facteurs constituent la théorie de la main invisible de l’économiste Adam Smith qui explique comment, généralement, l’intérêt personnel de chacun contribue au bien commun. Le dilemme du prisonnier montre les limites de ce modèle de coordination par le marché.

# 3 : L’entreprise (la firme)

Le mécanisme de coordination de la firme se fait en commandant et en contrôlant (comme pour l’Etat). Le PDG donne des instructions qui sont ensuite déclinées selon les responsabilités de chacun.

Et son principe de motivation s’effectue par la rémunération et la promotion des salariés.

Pourquoi y a-t-il plusieurs systèmes d’organisation ?

Il existe plusieurs systèmes d’organisation car il y a un compromis entre coordination et motivation. Dit autrement, quand on gagne dans l’un, on perd dans l’autre. A l’heure actuelle, il n’existe pas de système qui maximise les deux aspects en même temps.

Pour résumer en schématisant :

  • L’Etat offre un niveau élevé de coordination mais un niveau faible de motivation.

  • Le marché offre un niveau faible de coordination mais un niveau élevé de motivation.

  • L’entreprise se situe entre les deux. Mais, en général, le modèle la place plus proche de l’Etat que du marché. Elle offre toutefois un peu moins de coordination mais un peu plus de motivation que ce dernier.

Nous voyons donc qu’il existait un vaste espace non couvert – par une forme d’organisation – entre le marché (market) et les entreprises (firms). C’est ce créneau que les réseaux Internet (networks) sont venus occuper.

Le compromis entre coordination et motivation)
Source : Albert’s Blockstack Summit talk

Analysons maintenant les réseaux selon le modèle coordination * motivation.

#4 : Les réseaux Internet (Google, Facebook, Amazon, etc.)

Le mécanisme de coordination de ces réseaux se fait via les algorithmes fermés. Elle s’effectue sur la base de la collecte des données personnelles lors de l’utilisation des services en question. Cette coordination s’améliore avec le volume de données collectées et selon les mises à jour de l’algorithme.

Le mécanisme de motivation peut prendre plusieurs formes : incitations émotionnelles/statutaires (réseaux sociaux) ou motivations économiques (places de marché).

Les réseaux ont joué leur rôle de connecteur entre l’offre et la demande en apportant des services performants. Cependant, nous avons tous eu l’occasion de voir que ces plateformes ne sont pas la solution au problème. Ces entreprises 2.0 sont devenues des monopoles sur leur marché. Elles ont capitalisé sur les effets de réseaux et ont acquis un pouvoir trop important.

Ainsi, nombreux sont ceux qui pensent que, vu la position des GAFAM, il ne peut plus y avoir de concurrence sur leur marché sans qu’elle s’effectue par une technologie disruptive.

#5 : La blockchain (la décentralisation des réseaux)

Le système de coordination de la blockchain est implémenté dans le protocole ouvert (open source).

La motivation du réseau décentralisé est orientée par le token du protocole.

L’un des projets notables de la blockchain est de remplacer tous les réseaux centralisés qui profitent de leur pouvoir de marché. L’autre projet – caractéristique des technologies disruptives – est de créer des applications natives qui n’existaient pas auparavant.

Les limites de la décentralisation

Il faut cependant garder à l’esprit que tout ne pourra pas être décentralisé. Il y a en effet plusieurs limites à cette technologie :

  1. Certains contrats sont quasiment impossibles à coder : tout ne pourra donc pas être mis dans des protocoles informatiques (pour coder quelque chose, il faut le mettre en équation).

  2. Certains projets nécessitent une coordination très forte : cela signifie qu’ils nécessitent une centralisation et qu’il seront donc hors périmètre blockchain.

  3. Tout ne doit pas rentrer dans le marché : il faut faire attention à ne pas supprimer les motivations intrinsèques en introduisant le marché partout. Certains actes doivent rester dans le domaine du gratuit. Dès que l’on introduit des incitations financières dans un système basé sur le don, cela dénature le système.

NB. 1 : Cet article a été inspiré par cette vidéo. Il s’agit d’une conférence donnée par Albert Wenger, Partner à USV, sur la “Décentralisation et l’âge de la connaissance”.

NB. 2 : Si vous désirez commencer à vous familiariser avec les services décentralisés : Vous pouvez télécharger l’explorateur Brave ici. Il permet l’élimination automatique des publicités et la protection de vos données personnelles. Personnellement, c’est l’explorateur que j’utilise.

Vous souhaitez soutenir notre mission d’éducation sur la blockchain et les crypto-monnaies ? Vous êtes libre de nous faire un don :

► BTC : 3JBDBdC2Lon9DCE4eT1xaEuTsU3X3LihR3
► ETH : 0x03fb371B18A21eDce65Bf76CF5C9AB76D0897682

Pour copier et partager : https://mikaelecanvil.com/perimetre-decentralisation/

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *