Le bonheur provient-il de l’intérieur ou de l’extérieur ?
Pour les philosophes des temps anciens, le bonheur provient de l’intérieur. Par exemple, pour les stoïques, le principe essentiel est d’identifier et d’agir sur ce qui relève de nous et d’apprendre à accepter le reste. Dans cette vision, la quête du bonheur passe par un travail mental de maîtrise de ses représentations internes. Mais il faut noter qu’à leur époque politiquement mouvementée (par les guerres et les dictatures notamment), la seule chose qu’un homme pouvait tenter de maîtriser c’était ses états internes.
A contrario, notre époque contemporaine met beaucoup l’accent sur l’extérieur pour accéder au bonheur. On peut penser aux courants qui évoquent le succès au travail. Ou encore l’épanouissement via l’apport de valeur au sein d’une communauté ou dans un projet personnel. Dans un style opposé, nous trouvons la promesse d’accès rapide au « bonheur » contenue dans les produits de consommation. Mais, au fond, bien souvent, toutes ces propositions s’évaluent à leur impact extérieur concret (argent, prestige, nombre de vies changées, etc.).
Dans « L’hypothèse du bonheur », le psychologue Jonathan Haidt utilise les outils de la psychologie moderne pour déterminer quelle est l’hypothèse du bonheur la plus efficace. Ses recherches l’ont amené au résultat suivant : le bonheur provient d’un juste équilibre entre des conditions intérieures et extérieures.
Dans cet article, vous découvrirez l’importance de comprendre comment l’esprit fonctionne pour être plus heureux. Ensuite, vous apprendrez comment mieux contrôler votre propre esprit. Et enfin, vous verrez quels sont les principaux éléments extérieurs contributeurs au bonheur.
Les éléments intérieurs générateurs de bonheur
La division du moi
L’esprit humain est divisé en plusieurs parties indépendantes qui peuvent parfois rentrer en conflit les unes avec les autres. Il y a la division entre le cerveau droit et le cerveau gauche. Celle entre la raison et les émotions. Le conscient versus l’inconscient. Système 1 et Système 2. Et bien d’autres ! Toutes ces divisions entraînent de la confusion dans les décisions et de l’incertitude sur les résultats.
Pour illustrer ces divisions, le psychologue reprend une célèbre analogie utilisée par Bouddha : l’esprit humain peut être considéré comme l’association d’un cavalier et d’un éléphant sauvage. Le cavalier essaie de gérer du mieux qu’il peut un éléphant doté de sa propre volonté. Le cavalier représente la partie rationnelle (récente) de l’esprit. Et l’éléphant, sa partie émotionnelle (profonde et ancienne). Parfois, le cavalier parvient à prendre temporairement le dessus sur l’éléphant. Mais généralement, l’éléphant, bien plus puissant que le cavalier, fait ce qu’il veut (sans que le cavalier connaisse les désirs du mastodonte).
C’est la raison pour laquelle nous ne parvenons pas toujours à expliquer nos comportements et nos opinions. Ils sont liés à l’éléphant. Le cavalier peut raconter une histoire plausible (à laquelle il croit lui-même) sur les motivations de l’éléphant mais cela ne signifie pas qu’il connait la véritable raison.
Un esprit orienté par l’évolution
L’esprit humain réagit beaucoup plus fortement aux événements négatifs qu’aux événements positifs. Ce biais de négativité est un produit de l’évolution : nous avons hérité de l’ADN qui favorise la survie. Et la survie consiste essentiellement à détecter les menaces potentielles; saisir les opportunités vient seulement dans un second temps.
Les dernières recherches en génétique indiquent que notre patrimoine génétique contribue pour une bonne part à notre état d’esprit. Et plus particulièrement à notre niveau de bonheur par défaut (de 50 à 80%). Par exemple, ceux qui fonctionnent plus avec leur cerveau gauche se sentiront généralement plus heureux que ceux qui utilisent leur cerveau droit. Ils subiront moins de dépression et récupéreront plus rapidement de leurs expériences négatives.
Cependant, il est possible d’apprendre à changer sa perception des événements. Mais ce n’est pas chose aisée. Si le cavalier seul décide de changer alors il pourra tenir l’éléphant quelques temps mais, à un moment donné, l’éléphant reprendra le contrôle. Comme dit le dicton : “Chassez le naturel et il revient au galop”. Un changement durable de l’esprit doit donc passer par une transformation radicale de l’éléphant.
Changer son esprit
Le psychologue évoque trois méthodes pour changer son mindset :
la méditation
la thérapie cognitive
le Prozac
La méditation est une méthode naturelle et individuelle qui, appliquée régulièrement et sur le long terme, permet de changer son esprit. Il y a plusieurs types de méditation mais toutes reposent sur la concentration de l’attention. Il s’agit de se concentrer sur un point fixe : sa respiration, une image, un mot ou un son. Lorsqu’une nouvelle pensée vous vient à l’esprit, vous en prenez conscience. Vous l’éliminez en vous concentrant à nouveau sur votre point initial. L’objectif est d’apprendre à maîtriser votre flux de pensée inconscient et donc à contrôler l’éléphant. Pratiquer la méditation chaque jour pendant plusieurs mois est un excellent exercice pour modifier votre état d’esprit (pacifier l’éléphant).
La thérapie cognitive est une thérapie qui porte sur les interactions entre pensées, émotions et comportements. Cette méthode nécessite l’intervention d’un spécialiste. Ce dernier va entraîner son client à maîtriser ses pensées à travers divers exercices. Progressivement, le client réalise que, lorsqu’il raisonne, il ne cherche pas la vérité mais des arguments pour soutenir ses croyances les plus profondes. L’objectif est d’aider le client à identifier les liens entre ses pensées et ses émotions. Et donc à trouver de nouvelles façons de penser pour changer ses émotions. Tout comme la méditation, cette méthode nécessite un travail quotidien sur le long terme.
Le Prozac est un autre type méthode qui passe par un agent chimique extérieur, un psychotrope. Ce psychotrope agit “principalement sur l’état du système nerveux central en y modifiant certains processus biochimiques et physiologiques cérébraux. En altérant de la sorte les fonctions du cerveau, un psychotrope induit des modifications de la perception, des sensations, de l’humeur, de la conscience (états modifiés de conscience) ou d’autres fonctions psychologiques et comportementales.”
Les éléments extérieurs générateurs de bonheur
La formule du bonheur
Dans les années 90, une nouvelle découverte génétique a eu beaucoup d’impact sur la communauté scientifique : ils ont réalisé que le bonheur dépendait beaucoup plus des gènes que de l’environnement.
Cependant, les scientifiques ont ensuite constaté que les gènes étaient eux-mêmes affectés par l’environnement.
Deux critères extérieurs sont particulièrement contributeurs au bonheur :
Les conditions de vie
Les activités volontaires
La formule du bonheur établie par les scientifiques est la suivante :
H = S + C + V
H : happiness (état de bonheur)
S : situation biologique (base génétique)
C : conditions de vie (environnement, famille, amis)
V : activités volontaires (travail d’acceptation sur soi-même, la profession, les loisirs, etc.)
Cette formule signifie que votre niveau de bonheur est déterminé par votre point de départ biologique plus vos conditions de vie plus les activités volontaires que vous choisissez de faire.
Les activités génératrices de flow
A noter que toutes les activités volontaires ne procurent pas le même niveau de bonheur. Les activités génératrices de bien-être sont celles qui vous offrent des challenges. Celles qui nécessitent toute votre attention et qui vous apportent des feedbacks quotidiens. Il s’agit d’activités dans lesquelles vous progressez au prix d’efforts quotidiens.
En résumé, ces activités doivent vous apporter du flow. Le flow est un état de conscience qui résulte de l’engagement volontaire dans une activité orienté selon cinq principes :
un objectif authentique et réalisable
une attention totalement concentrée
des progrès réguliers
une zone de contrôle ressentie et appréciée
une volonté de progresser
D’ailleurs, l’un des messages importants que le flow nous apprend c’est que l’on obtient plus de joie en faisant des progrès en direction de nos objectifs qu’en les atteignant.
Pour aller plus loin, lire le livre « L’hypothèse du bonheur » (Jonathan Haidt).
PS : j’ai bien aimé l’analogie de l’éléphant et je pense que ça parlera également à certains.
Pour copier et partager : https://mikaelecanvil.com/hypothese-du-bonheur/