Si la vie est un jeu, comment comptez-vous le jouer ?
La vie est composée de deux types de jeu : les jeux finis et les jeux infinis.
Un jeu fini se joue avec l’objectif de gagner. Un jeu infini se joue avec l’objectif de continuer à jouer.
James P. Carse, professeur d’histoire à l’Université de New-York, propose cette vision de la vie composée de jeux, dans le classique “Finite and Infinite Games“ (Jeux Finis et Infinis).
La famille, l’école, l’amitié, la séduction, l’entrepreneuriat, le salariat, la formation, la négociation, l’investissement, etc. sont tous des jeux. Dès qu’il y a une interaction entre au moins deux personnes, un jeu existe. Mais faut-il les aborder comme des jeux finis ou comme des jeux infinis ?
Dans cet article, vous découvrirez une approche originale de la vie en tant que jeux finis et infinis. Et vous apprendrez quelle est la meilleure approche des jeux de la vie.
Les frontières
Le jeu fini est défini par des frontières extérieures objectives. Il a un début et une fin établis. Il est conçu pour parvenir à une conclusion : il se termine quand un joueur gagne.
Le jeu fini est de nature théâtrale. Les joueurs se comparent entre eux et ils sont observés par une audience. En conséquence, le jeu fini est un jeu de performance sur une durée délimitée (cf. l’école). Seule la victoire apporte la satisfaction au joueur du jeu fini.
Le jeu infini est défini par les critères intérieurs et subjectifs du joueur qui le joue. Il n’a donc pas de frontière. Son début est difficilement identifiable et il ne connaît pas de fin. Un jeu fini peut être joué dans un jeu infini mais l’inverse est impossible : l’actrice qui joue le rôle de la mère dans un film joue un jeu fini (son métier); mais la mère dans la vie joue un jeu infini (son rôle de parent).
La satisfaction du joueur infini repose dans le plaisir intrinsèque de jouer le jeu. Celui qui cherche à maitriser un art, une philosophie de vie ou une compétence compliquée sait qu’il commence un voyage sans fin. Le jeu infini est un jeu qui commence tout le temps. La vie étudiante est un jeu fini mais la formation est un jeu infini. Il n’y a ni ligne d’arrivée ni vainqueur. Le joueur infini adopte un mindset de croissance infinie.
Les jeux infinis demeurent invisibles aux audiences des jeux finis. L’audience attend la fin du jeu infini puis, voyant qu’il n’a pas de conclusion, elle finit par partir. Tandis que le joueur fini doit respecter les délais, le joueur infini joue avec le temps. La véritable audience du jeu infini est le joueur infini lui-même.
Les règles
Le jeu fini possède des règles explicites et connues par tous les participants ainsi que par l’audience. Un match de football est un jeu fini. Dès que les joueurs sont sur le terrain avec leurs tenues, ils acceptent tacitement les règles. Au final, le jeu est validé parce que des joueurs le jouent volontairement.
Les règles du jeu fini ne peuvent pas changer en cours de jeu. Aussi, si cela arrive, cela signifie que le jeu fini est terminé et qu’un nouveau jeu fini commence.
En dehors des règles, les seules limites d’un jeu fini sont les limites que les joueurs se fixent eux-mêmes. Pourtant, parfois, les joueurs du jeu fini oublient que leur participation est volontaire et qu’ils peuvent quitter le jeu sans avoir à attendre la fin.
A l’opposé, les règles du jeu infini peuvent changer en cours de jeu. Elles doivent notamment changer lorsque l’on constate que le jeu risque de se finir en aboutissant à la victoire de quelqu’un. Le jeu infini ne doit en effet jamais se finir.
Les jeux finis se jouent dans les frontières. Les jeux infinis jouent avec les frontières.
L’enjeu
La nature théâtrale du jeu fini fait qu’un observateur peut voir le script se dérouler. Un membre de l’audience ou un joueur attentif peut parfois anticiper qui sera le gagnant. Le jeu fini est sérieux : les joueurs finis peuvent jouer des rôles mais ils le font sérieusement car seule la victoire compte. Le joueur infini joue pour le fun. Cela fait que le jeu infini est beaucoup plus imprévisible, il peut mener très loin.
Le joueur fini acquiert un titre quand il gagne son jeu. Le prestige du titre est lié à la difficulté du jeu (temps, efforts, techniques). Le titre doit être visible et reconnaissable par tous. La possession du titre indique que le jeu est terminé : une fois gagné, le titre ne peut plus être perdu.
Les vainqueurs d’un jeu fini sont les gagnants d’un jeu qui a été joué à un certain moment. La validité de leur titre passé dépend de la durabilité du jeu dans le présent. Ils n’ont plus la maitrise dessus. Nous nous rappelons des anciennes stars de tennis parce que le tennis existe toujours.
Le joueur infini n’est pas défini par son titre mais par son nom. Cela fait que son futur reste ouvert et imprévisible. Tandis que le joueur fini regarde vers le passé (il ramène dans le présent l’ancien titre gagné pour jouer les jeux de statut), le joueur infini regarde vers l’avenir. Les jeux finis sont fragiles. Les jeux infinis sont antifragiles.
Les joueurs infinis ne recherchent pas la compétition avec les autres. Leur véritable compétition est contre eux-mêmes. Ils jouent leurs meilleures parties parce qu’ils prennent du plaisir dans le jeu. L’enjeu du joueur infini c’est de toujours s’améliorer. Sa stratégie et sa finalité sont donc de continuer à jouer.
Le mot de la fin
La vie est faite de jeux. A chacun de choisir de les aborder comme des jeux finis ou des jeux infinis.
Celui qui aborde la vie comme un jeu fini se prépare pour des règles fixes et des jeux à somme nulle (une vision basée sur un instant t et la rareté).
Celui qui aborde la vie comme un jeu infini se forme en continu pour s’adapter à l’inconnu : il joue des jeux à long terme et à somme positive (vision basée sur l’avenir et l’abondance).
Les messages essentiels de “Finite and Infinite Games” sont les suivants :
Les jeux qui apportent le plus de satisfaction dans la vie sont les jeux infinis;
Plus l’on regarde attentivement la vie et plus l’on constate que de nombreux jeux de la vie peuvent s’aborder comme des jeux infinis;
Il convient donc d’aborder ces jeux infinis avec un mindset de croissance infinie pour pouvoir les jouer au mieux et le plus longtemps possible;
Au final, jouer pour gagner n’est pas aussi satisfaisant que jouer pour progresser et donc pour continuer à jouer.
Pour aller plus loin : Lire le livre “Finite and Infinite Games” du philosophe James P. Carse. Il s’agit d’une sorte d’essai philosophique qui croise la poésie de la vie avec la métaphysique. J’ai trouvé son message très profond.
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