Il y a plusieurs façons d’acquérir l’indépendance financière. Mais il y a une seule chose qu’ont faite tous ceux qui y sont arrivés : ils ont appris à minimiser leurs pertes.
De nombreux enseignements peuvent être tirés des expériences de ceux qui sont régulièrement confrontés aux risques (entrepreneurs, investisseurs, parieurs, etc.).
“What I Learned Losing a Million Dollars” est l’histoire d’un investisseur qui est rapidement devenu multimillionnaire mais qui a ensuite tout perdu (encore plus rapidement !).
Après s’être ruiné, l’investisseur/trader Jim Paul a voulu repartir sur des bases saines. Il a lu plusieurs livres pour comprendre comment mieux investir et trader. Mais tous ces livres donnaient des conseils contradictoires. Au final, il a constaté qu’il y avait des milliers de méthodes pour être gagnant sur les marchés mais que, par contre, ceux qui perdaient le faisaient tous selon les mêmes principes.
Il a alors réalisé qu’apprendre à minimiser ses pertes était probablement la meilleure chose à faire.
Dans ce livre, issu de son expérience personnelle, il partage plusieurs leçons sur les investisseurs qui se sont ruinés :
Ils perdent à cause de facteurs psychologiques (et non pas analytiques);
Les perdants font des confusions en estimant les risques;
Ils n’adoptent pas le bon comportement dans leur activité;
Ils prennent des décisions basées sur les mouvements de foule;
Ceux qui perdent gros le font car ils n’établissent pas de plan.
Dans cet article, vous découvrirez qu’une formule pour éviter les échecs est bien plus importante qu’une “formule du succès”. La priorité de tout preneur de risques est en effet avant tout d’éviter le risque de ruine.
Comprendre la psychologie des pertes
Nous avons tendance à assimiler les pertes à quelque chose de mauvais, à l’échec. Mais réaliser une perte financière est normal. Il faut donc l’accepter. De plus, on peut très bien réaliser une perte en ayant pris la bonne décision : il faut distinguer le résultat du processus [1]. Et même si l’on s’est trompé, l’essentiel est de comprendre l’erreur pour pouvoir retirer quelque chose de l’expérience.
Pour quelqu’un qui s’expose aux risques, les pertes maîtrisées occasionnelles font partie du jeu. Dans cet article, Fred Wilson (un investisseur) se vante dans ses débuts de ne pas avoir connu de pertes et se voit répondre par un investisseur plus avisé : “cela signifie que tu ne prends pas assez de risques”. Il a compris le message et il a ajusté sa stratégie d’investissement : son taux d’erreur a augmenté mais sa rentabilité globale a explosé.
What I Learned Losing a Million Dollars rappelle qu’il ne faut pas personnaliser les pertes de marché. Lorsqu’on les personnalise, on les laisse s’amplifier pour ne pas avoir à reconnaître “ses erreurs”. Mais ne pas liquider une position très perdante, uniquement pour une question d’ego, est l’erreur la plus couteuse qu’un investisseur puisse faire. C’est d’ailleurs ainsi que Jim Paul s’est ruiné sur un trade en laissant s’aggraver une position perdante pendant des mois pour ne pas avoir à reconnaître sa perte.
Les cinq étapes psychologiques de la réaction face à une perte :
Le déni. Le refus de reconnaître l’évidence. On s’enferme dans une bulle en recherchant l’avis de personnes qui pensent comme nous.
La colère. Elle s’exerce contre l’environnement proche, contre le marché, contre le monde.
La négociation. L’investisseur croit qu’il peut être sauvé par un élément extérieur comme une nouvelle inattendue qui va faire rebondir le marché.
La dépression. Tristesse, isolement.
L’acceptation. Acceptation de l’inévitable en reconnaissant la situation.
Comprendre les erreurs psychologiques du risque
La vie de tous les jours comporte des risques. Estimer et gérer ces risques est donc une nécessité et cela passe par l’usage (approximatif) des probabilités.
What I Learned Losing a Million Dollars rappelle quels sont les principaux biais sur les probabilités :
Surévaluer les paris impliquant une faible probabilité associée à un gain important. Et sous-évaluer les paris impliquant une forte probabilité et un faible gain. [2]
Interpréter les probabilités d’évènements indépendants successifs comme additives au lieu de multiplicatives. Autrement dit, considérer que les chances d’obtenir deux 4 avec deux dés sont de (1/6+1/6) au lieu de (1/6*1/6).
Croire qu’après une série de succès (d’évènements indépendants), un échec est plus probable – et vice versa. Nous avons tendance à raisonner en régression vers la moyenne pour des évènements qui sont indépendants (le futur ne dépend pas du passé) et qui ne sont donc pas concernés par cette loi.
Adopter une vision biaisée des probabilités selon que l’évènement soit favorable ou défavorable. Par exemple, imaginez que la probabilité d’être frappé par la foudre et celle de gagner à un jeu de grattage soient de 1/10000. D’un point de vue personnel, la plupart des gens qui achètent le ticket penseront qu’ils auront plus de chance de gagner que d’être frappés par la foudre.
Adopter le bon comportement dans son activité
“La plupart des gens qui se pensent investisseurs sont des spéculateurs. Et la plupart des gens qui se pensent spéculateurs sont des gamblers.”
L’intervenant sur les marchés financiers doit tout d’abord savoir dans quelle activité il s’engage.
What I Learned Losing a Million Dollars indique qu’il y a cinq profils d’intervenants :
L’investisseur : il se sépare de son capital dans l’espoir de le récupérer, à long terme, avec un rendement suffisant sous la forme d’un intérêt périodique ou d’un dividende;
Le trader : Il intervient régulièrement sur le marché via des opérations généralement à très court terme (il ouvre et clôture plusieurs positions sur une journée);
Le spéculateur : il achète un titre pour le revendre à moyen terme avec l’espoir d’un profit;
Le parieur : il passe un contrat avec une contrepartie indiquant que celui qui a tort à propos du résultat d’un évènement devra réaliser la chose convenue. Celui qui gagne c’est celui qui a raison. Il s’agit d’un jeu d’ego;
Le gambler (le joueur) : il parie de l’argent sur le résultat d’un jeu ou d’un évènement quelconque. C’est essentiellement une forme d’amusement (le gain importe peu car il est vu comme le coût du loisir). Pour lui, l’essentiel c’est la dose de dopamine.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tout intervenant sur le marché n’est pas forcément un investisseur, un trader ou un spéculateur [3]. Il peut très bien être un parieur ou un gambler. Ce qui compte c’est la façon dont la personne se comporte dans son activité.
Un professionnel (investisseur/trader/spéculateur) intervient pour générer du profit. Il doit éviter l’erreur de se comporter comme un parieur qui cherche à avoir raison (jeu d’ego) – et qui ne reconnait donc pas ses pertes (car assimilées à des torts) – ou comme un gambler qui recherche le shot de dopamine (jeu de frisson).
Ne pas tomber dans la psychologie des foules
Les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles font partie de nous et doivent donc être acceptées telles quelles. Ce qui doit être évité c’est de prendre des décisions sous l’effet des émotions.
Dans Psychologie des foules, Gustave Le Bon montre que la foule est un nouvel être essentiellement guidé par des émotions et des motifs inconscients. L’individu qui se fie à la foule pour ses prises de décisions doit donc réaliser qu’il se laisse guider par un fou (les émotions collectives).
Tout le monde connait déjà ces conseils : “ne suivez pas la foule”, “soyez contrarien”, etc. Mais le souci, selon What I Learned Losing a Million Dollars, c’est que la plupart des investisseurs ne réalisent pas ce qu’est la foule (puisque, dans leur cas, il s’agit d’une foule digitale) et ils ne savent donc pas quand ils en font partie.
Un individu assis seul devant son ordinateur peut-il faire partie de la foule ? Oui s’il suit les informations en continu et qu’il réagit au moindre mouvement de prix. Oui, il fait un “trade de foule” s’il réagit en continu aux bruits des réseaux sociaux.
Dans la foule, les émotions et les pensées irrationnelles se diffusent rapidement par imitation et par contagion. L’individu qui est dans la (cyber)foule est comme hypnotisé par les opinions des autres. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les suggestions s’exagèrent et se renforcent selon le modèle de l’illusion suivant : affirmation/répétition/prestige/contagion.
L’individu en (cyber)foule est dominé par des émotions violentes virales (FOMO et FUD) qui lui font commettre des actions qu’il n’aurait jamais faites en temps normal. Au fond, la foule fragilise ceux qui en font partie et doit donc être évitée pour pouvoir prendre de bonnes décisions.
Etablir un plan et s’y tenir
“Tout ce que vous pouvez faire c’est gérer les pertes et non pas prédire les profits.” – Jim Paul.
Quand un joueur de cartes commence une partie, il sait quand le jeu finira. Par contre, le trading et l’investissement sont des activités sans fin qui peuvent conduire à la ruine. L’une des premières règles pour limiter ses pertes est de transformer ces jeux infinis en des jeux finis. Et pour cela, il faut établir un plan.
Le plan doit être établi avant l’investissement. Son objectif premier est de vous donner la souveraineté sur vos décisions (pour ne pas réagir à chaud sous le coup des émotions). Son second objectif est de vous donner une carte pour gérer au mieux vos pertes (et encaisser vos profits).
Votre plan doit déterminer :
Votre profil : trader, investisseur ou spéculateur ?
Un horizon de placement : court terme, moyen terme ou long terme ?
Le capital que vous allez investir;
Vos critères d’entrée et de sortie : prix d’accumulation, prix de vente pour stopper la perte (stop loss) ou pour encaisser le profit (take profit);
Les règles que vous allez utiliser pour guider vos décisions.
Le mot de la fin
Le message principal de What I Learned Losing a Million Dollars est le suivant : sur les activités risquées, apprendre à gérer ses pertes est plus important qu’apprendre comment faire de l’argent.
Ce livre évoque les principales raisons pour lesquelles les gens se ruinent : les facteurs psychologiques, la personnalisation des pertes, la contagion des foules (médias et réseaux sociaux), la mauvaise évaluation des risques et l’absence de stratégie.
Gardez-les à l’esprit si vous intervenez sur une activité à risque pour obtenir votre indépendance financière.
Notes
[1] Séparer le résultat du processus permet de ne pas confondre la chance avec la compétence (ni la malchance avec l’incompétence). Jim Paul a réalisé après-coup qu’il avait monté sa fortune grâce à de la chance plutôt que de la compétence. Et ça lui a coûté cher ensuite.
[2] Cela revient à mal comprendre le principe de l’EV (Expected Value : ou valeur moyenne attendue).
[3] De même, toute personne qui intervient dans un casino n’est pas forcément un gambler. Par exemple, les joueurs de poker professionnels se comportent comme des spéculateurs (ce sont des professionnels du risque).
Pour aller plus loin : Lire le livre “What I Learned Losing a Million Dollars” de Jim Paul et de Brendan Moynihan.
Copier et partager : https://mikaelecanvil.com/what-i-learned-losing-a-million-dollars/
1 comment
Au sujet de l’importance de la gestion du risque, il me semble que Warren Buffett a donné 2 règles pour bien investir :
règle 1 : ne jamais perdre d’argent
règle 2 : ne jamais oublier la règle 1
Merci pour ce résumé très clair